Retraite
Les retraités menacés par la fin de leur abattement fiscal ?
À la recherche d’économies budgétaires, le gouvernement explore une piste sensible : supprimer l'abattement fiscal de 10 % dont bénéficient aujourd’hui les retraités sur leurs pensions.
Interrogée récemment par Le Parisien, Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, a affirmé que le contexte budgétaire imposait des choix délicats. Selon elle, il ne serait plus acceptable de demander uniquement aux actifs de financer les coûts croissants liés au vieillissement de la population. « Ce n’est pas votre âge qui doit déterminer votre participation, mais les moyens dont vous disposez », précise-t-elle.
Qu’est-ce que cet abattement fiscal ?
Mis en place en 1978, cet avantage fiscal permet aux retraités, ainsi qu’aux bénéficiaires d’une pension alimentaire ou d'invalidité, de réduire leur revenu imposable de 10 %, dans une limite fixée à 4 399 euros pour 2025. Il s’applique automatiquement lors des déclarations pré-remplies envoyées aux contribuables concernés. Cet abattement se distingue clairement de la déduction de 10 % accordée aux salariés au titre de leurs frais professionnels, plafonnée à 14 426 euros.
Historiquement, cet avantage visait à alléger la pression fiscale sur des revenus perçus comme totalement transparents et déclarés directement par les caisses de retraite, évitant ainsi tout risque de fraude ou de sous-déclaration.
Pourquoi supprimer cet abattement ?
Face à la nécessité de trouver 40 milliards d’euros d’économies d’ici 2026, chaque dépense fiscale est scrutée de près. Selon un rapport récent de la Cour des comptes, cet abattement fiscal représentait en 2023 une dépense de 4,5 milliards d’euros pour l’État. Eric Lombard, ministre de l’Économie, avait d'ailleurs indiqué récemment sur franceinfo que sa suppression n’était pas un sujet tabou, mettant en avant un déséquilibre : selon lui, après 60 ans, les citoyens reçoivent beaucoup plus de prestations de l’État tout en contribuant moins via les prélèvements obligatoires.
Soutiens et oppositions : un débat clivant
La proposition divise profondément. Gilbert Cette, président du Conseil d’orientation des retraites et économiste proche d’Emmanuel Macron, s’y était déjà déclaré favorable en début d’année. Même son de cloche au Medef, où Patrick Martin jugeait cette niche fiscale « contre-nature ».
En revanche, l'opposition politique et syndicale est forte. Thomas Ménagé, porte-parole du Rassemblement national, dénonce une mesure injuste et plaide pour des économies structurelles. Côté syndical, neuf organisations, dont la CGT, FO et la CFTC, dénoncent une « stigmatisation » des retraités au profit des plus aisés, tandis que l’Unsa-Retraités défend fermement son maintien.
La CFDT se montre plus nuancée : Marylise Léon, sa secrétaire générale, estime que chacun, y compris les retraités aisés, pourrait participer à l’effort collectif, tout en restant prudente sur les modalités précises.
Quelles conséquences pour les retraités ?
En cas de suppression, une large partie des retraités pourrait voir leur imposition augmenter sensiblement. Selon l’Unsa-Retraités, cette mesure toucherait environ 8,4 millions de retraités, soit près de la moitié des retraités français. Parmi eux, environ 500 000 pourraient même devenir imposables pour la première fois.
Selon des estimations du site Moneyvox, un retraité célibataire gagnant environ 1 200 euros mensuels resterait exempté d’impôt. En revanche, celui percevant 1 542 euros mensuels devrait payer 272 euros d’impôts supplémentaires par an.
Pour certains économistes, supprimer cet abattement serait toutefois une solution moins pénalisante pour les retraités modestes qu'une désindexation des pensions sur l’inflation, envisagée précédemment par le gouvernement. Les grands perdants seraient avant tout les retraités les plus aisés ou issus de la classe moyenne supérieure.
Le débat, loin d'être clos, devrait animer encore longtemps les discussions politiques et budgétaires dans les mois à venir.